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7 novembre 2014 5 07 /11 /novembre /2014 14:22
© T.Zoher PhotoGraphie - Agra Village / Inde 2014 -

© T.Zoher PhotoGraphie - Agra Village / Inde 2014 -

Ma vie est semblable à l'enfant tumultueux de retour à la maison, gagné par l'ardeur d'un jeu au-dehors : elle me quitte très souvent, elle me revient de loin en loin, encombrée par une émotion que les premiers mots apaisent. Je n'écris que très peu, et ce peu est encore trop, en regard des quelques instants qui éclairent le chemin où je vais : il y a très peu d'événements dans une vie. Parfois, il y a que l'événement de mon désastre, de son lent engloutissement dans le désastre quotidien.

Ainsi perd-on toutes forces, dans l'impur mélange des jours. Qu'est-ce donc que la vie ordinaire, celle où nous sommes sans y être ?

C'est une langue sans désir, un temps sans merveille. C'est une chose douce comme un mensonge. Je connais bien cet état. J'en sais - par le coeur - la banalité et la violence. L'âme y est comme une ruche vidée de ses abeilles. L'âme, c'est-à-dire le corps, c'est-à-dire l'aube, c'est-à-dire tous les noms du monde, car tous les noms sont des pétales d'une unique fleur de songe, l'âme donc, s'abstrait, s'évade, s'ennuie. S'étiole. Quelques semaines passent ainsi, trois quatre tout au plus : l'éternité, celle qui gouverne le sommeil et les pierres. Je ne peux pas écrire durant tout ce temps, pas même des lettres : la vérité me fait défaut.

A quoi bon raconter des histoires, si soi-même l'on est devenu semblable à une histoire monotone et sans grâce ?

Toujours j'ai connu ces absences, toujours je les reconnaîtrai. Elles ne m'inquiètent pas. Elles ne m'inquiètent plus. Ces heures-là, je les aime comme on peut aimer un enfant ingrat, réfractaire à nos désirs : d'un amour injustifiable, injustifié. En se dérobant à nos voeux, en échappant à nos appels, il nous enrichit à notre insu. Il nous contraint à développer en nous le pur amour qui nous permettra de l'embrasser sans l'atteindre : un amour qui va à l'infini parce que son terme lui échappe, une attention qui s'accroît infiniment pour être à chaque instant déçue. Oui, j'aime ce temps stérile, peu glorieux. Il me protège d'être quelqu'un, il me met à l'écart, en retrait comme l'enfant qu'on envoie dans sa chambre, privé de dîner. C'est comme un temps de jeûne ou de fiançailles. C'est comme veiller celui qui n'est pas là, et garder intacte la poussière sur son nom. (...)

 

- Christian Bobin

(Le huitième jour de la semaine)

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commentaires

S
☆☆☆<br /> Je laisse les traces de mon passage ....
Répondre
Z
:-)

Présentation

  • : Ma quête du soi et du non Moi...
  • : Un lieu de vie vers la lumière de soi et du non Moi, un passage où je partage mes textes, mes citations au fil de mes lectures, de mes balades, mes photos et photos de la toile. Un voyage de l'esprit sur la toile, à travers les êtres, les âmes, et le mystère au fil des jours, de tout ce qui m'inspire, me guide, me touche, m’éveille dans ces chemins de l'existence, en cette vie, dans cet Univers Extraordinaire, que nous partageons tous sous un même toit, Le Ciel...
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'Quand le rideau se lévera, tu verras que nous ne savions rien, ni toi, ni moi.'

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Seigneur ! Il suffit à ma fierté que Vous soyez mon 'Dieu' et à ma gloire que je vous sois soumis.

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-Ali Ibn Abû Taleb-